TEXTES
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PREMIER SEPTEMBRE
C’est peut-être en Italie, ou en Grèce, on ne sait pas. Ça frémit, ça voudrait disparaître : un souvenir vivant, conscient d’être un souvenir. Bientôt ce sera le passé et ça le sait déjà. (…)
UNE SIESTE
C’est peut-être l’été qui après tout t’atteint. Ça et la douceur des alexandrins. Constructions reposantes où tu peux t’endormir. Sons qui se répètent, familiers et faciles (…)
TRAVERSER L’HIVER
Un mois déjà que c’est le printemps. Un mois de printemps et six mois avec toi. On pourra dire qu’ensemble on a traversé l’hiver. Ce n’est pas rien, disais-je à une amie vendredi, de passer l’hiver avec quelqu’un. (…)
NOEL 2023
Depuis plusieurs semaines maintenant tu te dis que ce serait bien d’écrire un texte pour terminer l’année.
Ce sont peut-être les illuminations dans les rues qui te donnent cette envie, la nuit qui tombe tôt (…)
LOIN DU SOL (CHANSON)
Toi / T’aimerais monter en gamme / En grand format/ Quelques instants tu y crois / Mais / Toujours on t’amalgame / Au sol, à plat / Il n’y a qu’une seule note pour toi (…)
FAST CAR
C’était une soirée d’été un peu comme celle-ci. Elle se rappelle la sensation d’ivresse à cause de la vitesse. Ce premier crépuscule bleu traversé ensemble. Les fenêtres avant grandes ouvertes et le vent du Sud qu’ils avaient respiré en même temps (…)
CAHIERS NOIRS (SHLOMI ELKABETZ)
C’était il y a dix-sept ans. Je m’en souviens encore. Les affiches de "Prendre femme" sur les murs du métro. Le visage de Ronit Elkabetz en grand format, cette beauté de tragédienne qui m’avait donné un coup de poing à l’estomac – une beauté forte, une beauté mais surtout une présence, en fait, cristallisée par une image qui à elle seule signifiait le refus des compromis : Viviane Amsalem, dans le film, voulait vivre sa vie. (…)
MAUVAIS ORACLE
L’instant d’avant tout allait bien. Le monde traçait tout droit jusqu’à Paris, en passant par l’autoroute, une ligne de fuite qui s’effaçait au loin par-delà le pare-brise. Une semaine en montagne avec ton père et ton frère, terminée maintenant, et tous les deux sont assis à leur bonne place dans la voiture, tous les deux distillant dans l’habitacle les mots que tu attends d’eux, les intonations, les tics d’expression, les mêmes, en continu, si bien qu’au bout d’un moment tu ne les entendais plus (…)
RETOUR A ITHAQUE
C’est l’histoire d’un mec qui s’appelle Ulysse. Ulysse a 29 ans et il a oublié ses clés. Ou il les a perdues, il ne sait plus. Il a un peu trop bu ce soir. Pourtant Achille et les autres sont partis tôt : les gens deviennent casaniers maintenant, c’est pas possible… Demain c’est l’anniversaire d’Ulysse. Ses trente ans. Trente ans putain, mais tout va bien, tout va bien... (…)
EASTERN PROMISES (David Cronenberg)
Quelqu’un (Ovide) a dit : "L’exil, c’est laisser son corps derrière soi". Mais dans ce film sur des mafieux russes exilés à Londres, c’est bien le corps que Cronenberg, fidèle à ses obsessions, traîne une nouvelle fois sur le devant de la scène — en lui braquant un flingue sur la tempe et la lame d’un poignard contre le ventre (…)
CANNES
Tu as repris ta place d’image, et c’est peut-être très bien comme ça. Ta présence démystifie chaque cliché sur lequel tu te trouves, et rend plus réelles ces marches, moins élégants ces costumes – forcément, puisqu’ils sont si loin de tes tenues ordinaires et par là mettent au jour la représentation. (…)
ELLE SE DEMANDAIT SI
À présent, dans son salon, elle se dit que la maturité se trouve dans la mesure : alors je suis immature, sans doute, mais jusqu’ici j’avais la vie de mon côté. Un élan, une force dans mes veines, désormais arrêtée net dans sa course, arrivée d’eau coupée d’un mouvement de poignet sûr de son coup – ses poignets, qu’elle embrassait il y a encore quelques jours, en chérissant secrètement les os saillants de son radius et de son cubitus – elle avait cherché les mots sur internet –, se disant que ces os-là se casseraient peut-être un jour, s’il tombait de vélo, glissait quelque part, frappait quelqu’un, et qu’à ce moment-là elle prendrait soin de lui (…)
DANS L’IDEE (chanson)
En gentleman j’t’aurais ouvert la porte
Avant de te faire un peu mal
Mes manières se sont fait la malle
Dans le lit conjugal elles se déportent (…)
L’EXERCICE DE L’ETAT (PIERRE SCHOELLER)
« Nous avons une amitié, et cette amitié nous oblige. » Un ministre (Olivier Gourmet) dit cette phrase à son chef de cabinet (Michel Blanc), devant des murs lambrissés d’or. Pourquoi retenir cette réplique ? Parce qu’un sentiment qui oblige n’est pas chose courante, surtout en politique (…)
L’ÉTÉ
L’été ne lui allait pas, ou plus, c’était un vêtement d’enfance à présent trop petit. Il la gênait aux entournures : de toute évidence, ils n’étaient plus faits l’un pour l’autre. Elle suffoquait dans sa moiteur, assiégée par ses cohortes compactes aux désirs univoques, levant les yeux en vain pour trouver quelque part un signe de sortie. (…)
NOUVEL AN
C’est un dîner où je ne suis pas invitée. Pas vraiment. En m’acceptant à son Nouvel An, la maîtresse de maison fait une fleur à mon amie Elena, à l’occasion de cette soirée que cette dernière et moi avions prévue, quoi qu’il arrive, de passer ensemble. La porte d’entrée s’ouvre sur des gens dont l’accoutrement surligne l’événement que nous sommes là pour célébrer. Adélaïde nous accueille. En me voyant, son sourire reste fixe mais tout le reste de son visage s’affaisse. Nulle vie ne surnage à la surface de ses yeux bleu piscine (...)
DITES-LUI QUE JE L’AIME (Claude Miller)
À vitesse régulière, une voiture serpente sur une route en lacets. Une route de montagne, à une seule voie, sans issue ni demi-tour possible, tout comme la phrase : David aime Lise et elle ne veut pas de lui. A priori, à tel constat pas de sortie de secours : il faut se faire une raison et poursuivre son trajet. Sans rancune. Mais c’est Depardieu qui est au volant de la 404 (…)